choupitali's reviews
360 reviews

Une page d'amour by Émile Zola

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4.0

Peut-être l'un des tomes les moins connus des Rougon-Macquart. Il faut dire qu'il est difficile de passer après  L'Assommoir ! Pourtant, ce roman possède un charme certain.

Une page d'amour nous raconte le désarroi d'Hélène qui tombe passionnément amoureuse alors qu'elle avait une vie bien rangée. À cela s'ajoute le poids d'une enfant aisément sujette à des crises de nerfs, et dont la jalousie maladive étouffe sa mère.
Durant cette "page d'amour", ce sont différentes formes de ce sentiment que découvrons, du plus tendre au plus laid, du plus beau au plus destructeur. 
L'Assommoir by Émile Zola

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4.0

 
Quand Gervaise déboucha des corridors sur le palier du sixième, elle ne put retenir cette parole, les larmes aux yeux :
– Ça ne promet pas beaucoup de bonheur.

À ce moment-là, Gervaise ne savait pas à quel point cette parole était juste, et son destin est terriblement tragique.

L'Assommoir nous raconte sans ambages la misère sociale ainsi que les ravages de l'alcoolisme au milieu de la classe ouvrière. On assiste à une déchéance inévitable, les péchés capitaux se faisant la part belle au milieu de tous ces personnages, menant les plus faibles à la mort, les plus forts s'étant engorgés d'un égoïsme de survie. 
La Dame du lac by Andrzej Sapkowski

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5.0

La Dame du Lac est le cinquième et dernier livre de la saga du Sorceleur, écrite par Andrzej Sapkowski.
Après avoir fui le terrible Bonhart en entrant dans la Tour de l'Hirondelle, Ciri se retrouve dans un autre monde, où se situe Tir ná Lia, cité des Elfes. La jeune fille y apprend les origines de son sang, ce qu'il implique et le sort que lui réserve ses hôtes. Auberon, également appelé le Roi des Aulnes, doit faire un enfant à Ciri, car selon la prophétie d'Ithlinne, cette progéniture détiendrait un pouvoir capable de sauver les Elfes du Froid Blanc menaçant le monde duquel vient la jeune fille.
Pendant ce temps, Yennefer subit la torture de Vilgefortz, tandis que Geralt séjourne à Toussaint, une région féerique qui baigne dans l'insouciance. Toutefois, le groupe du sorceleur parvient à reprendre sa route pour accomplir le but qu'ils s'étaient fixé, offrant des retrouvailles aussi violentes que la guerre qui ravage chaque pays.

La Dame du Lac remplit plutôt bien son rôle de conclusion puisque la majorité des questions obtiennent leur réponse, tout comme les situations critiques se voient résolues. Néanmoins, le récit n'est pas impatient de clore l'histoire, au contraire, il prend le temps qu'il faut afin de ne pas précipiter les choses.

Ainsi, le conflit politique, qui fut mis en place dès les premiers tomes, possède deux chapitres entiers pour annoncer son évolution, ce qui est assez imposant si l'on considère la construction du roman.
Le premier chapitre est consacré à une bataille se déroulant à Brenna qui fut sanglante et décisive. Cela permet notamment de savoir ce qu'il est advenu de Jarre, ami de Ciri lorsqu'elle résidait au temple de Melitele. L'auteur prend soin de ne pas rendre cette guerre indigeste en alternant les points de vue et le style de narration. De cette façon, le lecteur peut observer les événements selon le ressenti de chaque camp pour une meilleure appréciation de la situation, mais l'intérêt s'en trouve décuplé lors des passages relatés à la manière d'un livre d'Histoire. Ce choix nous incite à réfléchir sur ce que nous dévoile ce genre de livre et ce qui est passé sous silence, puisque l'on peut constater les différentes modifications par rapport à la réalité.
Le deuxième chapitre se concentre sur la résolution du conflit à travers les yeux de trois personnages. Chacun d'entre eux furent des figures importantes sur certains plans de l'histoire, réunis par le hasard et leur refus de l'ordre nouveau. Leurs commentaires sont entrecoupés d'analepses où l'on découvre comment se sont jouées les négociations pour établir un traité de paix. Loin d'être rébarbatif, ce chapitre nous fait réaliser que la politique s'avère plus puissante et bien plus riche en conséquence lorsqu'elle s'applique autour d'une table.

Parallèlement à cela, nous observons le séjour de Geralt et sa compagnie à Toussaint. On pourrait penser que ces moments sont inutiles et improbables, mais ils démontrent une réalité bien plus exacte et glaçante qu'il n'y paraît. Toussaint est un lieu aux apparences féeriques non seulement par rapport à l'architecture, mais aussi à la mentalité environnante. Les habitants ne semblent se soucier que des petits plaisirs de la vie, notamment aux vendanges créant leur célèbre vin. Toutefois, de cette insouciance se dégage un profond sentiment de déni. Le monde est en guerre, celle-ci décimant chaque peuple et anéantissant des régions entières, forçant chacun à survivre dans la peur et la violence, pourtant, la princesse Anarietta qui règne à Toussaint pense qu'il lui suffit d'envoyer une lettre à l'empereur Emhyr pour qu'il cesse les hostilités. De même, les chevaliers prêtant serment à cette dame ne semblent pas désirer offrir leurs compétences pour servir le conflit, une attitude qui pourrait être louable si elle n'était motivée par la niaiserie.
Dans un tel endroit, le groupe du sorceleur semble se laisser contaminer par l'oisiveté. Néanmoins, si l'on regarde un peu plus attentivement, Geralt joue un double-jeu. Alors que les personnages autour de lui insistent sur le fait que le sorceleur se complaît dans cette région, celui-ci se plaint régulièrement que cela fait trop longtemps qu'il y croupit. Lorsque Fringilla Vigo se vante d'avoir réduit Geralt à sa merci, cela s'ensuit directement sur un passage où il refuse d'accomplir sa volonté. De même, lorsque qu'un nouvel ami expose l'idée que le sorceleur a certainement hâte de rejoindre cette magicienne, Geralt le contredit en dînant longuement avec lui. Si l'on ajoute à cela le fait qu'il est parvenu à obtenir des informations sur les origines de Ciri, une amulette pour remplacer son médaillon de sorceleur, ainsi que des soins pour son genou douloureux, mais qu'il divulgue une mauvaise adresse en échange, tout porte à croire que Geralt a bel et bien profité de Toussaint mais pas comme on pourrait l'entendre au premier abord.
Cela rejoint ce que Yennefer expliquait dans le tome précédent. Elle, qui procède avec stratégie, a fini par appliquer les méthodes du sorceleur en fonçant tête baissée. C'est au tour de Geralt d'appliquer les méthodes de la magicienne en calculant ses actions jusqu'à ce qu'il obtienne l'information clef lui permettant de quitter Toussaint sur-le-champ.

Du côté de Ciri, nous continuons de voir que l'univers n'est pas binaire. En effet, la jeune fille passe beaucoup de temps dans le monde des Elfes, ce qui nous permet d'écouter leurs motivations et de découvrir leur façon de vivre. Ce peuple nous était souvent présenté comme doté d'une grande sensibilité artistique, ce qui est confirmé avec la beauté de Tir ná Lia et le goût d'Avallac'h pour la musique. Les Elfes évoquaient également à de nombreuses reprises l'instinct destructeur des humains, ressassant l'idée d'avoir été chassés de leurs terres par la violence. Toutefois, nous apprenons que l'arrogance de ce peuple est plutôt mal placée puisque ce monde était habité par des êtres qui subirent la même colonisation de la part des Elfes. Par ailleurs, les nombreux serviteurs de ce monde sont en réalité des humains, démontrant donc que le racisme n'est pas réservé à l'Homme. On peut également noter le mépris des Elfes envers Ciri, considérant son pouvoir comme l'unique intérêt à leur yeux, tel "Une pépite d’or dans un tas de compost" comme l'indique Eredin. La jeune fille est donc traitée comme du bétail que l'on cherche à accoupler.
Cependant, Ciri est un esprit fort qui désire avant tout protéger ceux qu'elles aiment. Elle est donc prête à accepter cette proposition dégradante si la finalité lui permet de sauver ses êtres chers, nous apprenant donc le sens du sacrifice. Néanmoins, cette noblesse ne se transforme pas en stupidité puisque Ciri s'enfuit après avoir découvert de terribles secrets, nous amenant à la suivre à travers les différents mondes qu'elle visite afin de retrouver le sien. Ces passages sont un peu fastidieux car nombre d'entre eux sont présents uniquement pour montrer la diversité des univers. Toutefois, ils sont essentiels pour nous indiquer qu'un tel pouvoir doit être utilisé avec prudence, Ciri transportant malgré elle une nouvelle maladie ravageuse. Ce ressort scénaristique du voyage dans le temps et l'espace est intéressant puisqu'il offre de nombreuses possibilités. On peut noter la rencontre du point de vue de Ciri avec celui des magiciennes Nimue et Condwiramurs qui existent dans le futur et qui étudient justement la légende de la jeune fille. Il est cependant regrettable que le danger des cavaliers de la Traque sauvage soit réduit à néant, effectuant simplement une menace à l'encontre de Ciri, alors qu'ils étaient si près de leur objectif.
En revanche, il est amusant de constater qu'après nous avoir offert un panorama de la mythologie nordique dans La Tour de l'Hirondelle, Andrzej Sapkowski nous montre son amour pour la légende arthurienne dans ce tome. En effet, le titre plus qu'équivoque se réfère à plusieurs personnages dans le roman : Nimue, une magicienne vivant au milieu d'un lac, et Ciri dont les voyages temporels la guident immanquablement vers des lacs. Coïncidence intrigante puisque les deux femmes se rencontrent à deux reprises et l'une d'elle étudie l'histoire de l'autre. De plus, Ciri rencontre Galaad et l'un des derniers lieux décrits est sans conteste une référence à Avalon. Quelque part, ce rapprochement nous confirme l'idée que dans le monde du sorceleur, Ciri est l'équivalent de la légende arthurienne. Nous avions un vieillard contant cette même histoire à des enfants auparavant, à présent nous voyons des magiciennes étudier cette histoire pour y trouver les éléments réels qui la composent.

Ainsi, les protagonistes accomplissent leurs préparations et leurs dernières actions avant leurs retrouvailles. La résolution s'avère assez classique dans le sens où chaque personnage affronte ses démons, mais là où l'auteur nous surprend, c'est dans la suite de ce dénouement. Le récit ne se conclut pas sur une bataille épique, mais plutôt sur une tranche de vie de ce qu'est le nouveau quotidien du continent. Si la guerre est achevée, il demeure un sentiment paranoïaque au fond de chacun, développant le racisme et la xénophobie. C'est avec un cruel réalisme qu'Andrzej Sapkowski nous démontre que ce sont souvent les innocents qui souffrent des conséquences, tout comme il nous fait comprendre que malgré nos promesses, il est parfois impossible de passer outre ses convictions tant elles sont essentielles pour choisir le moindre mal.

Finalement, La Dame du Lac est un tome à l'image de la saga. C'est l'histoire d'un monde tiraillé par la guerre, l'histoire d'un monde raciste et xénophobe, l'histoire d'un couple s'aimant profondément, l'histoire d'une famille recomposée, l'histoire de personnes essayant de vivre malgré les difficultés, en une phrase : c'est l'histoire de notre réalité, qui se répète comme un cycle sans fin "comme le serpent Ouroboros qui se mord la queue."
La Tour de l'hirondelle by Andrzej Sapkowski

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5.0

La Tour de l'Hirondelle est le quatrième tome de la saga du Sorceleur, écrite par Andrzej Sapkowski. Plusieurs protagonistes s'inquiètent pour la vie de Ciri, car ils eurent une vision d'elle recouverte de sang. Ainsi, ne sachant si elle a succombé à cette blessure, Geralt est plus que déterminé à suivre son objectif et s'il ne parvient pas à retrouver la jeune fille, il compte bien se venger. Pendant ce temps, Yennefer tente de contrecarrer les plans de la loge pour empêcher les magiciennes d'utiliser le sang ancien qui coule dans les veines de Ciri à des fins politiques. Quant à la source de toute cette agitation, elle n'a pas encore expiré son dernier souffle et se cache dans les marécages de Pereplut où elle conte son histoire à son sauveur, Vysogota.

La Tour de l'Hirondelle est l'avant-dernier volet de la saga, un statut qui explique le rythme ainsi que le contenu du roman. En effet, si les livres précédents enchaînaient les événements plutôt rapidement malgré l'alternance des points de vue, cet opus subit un ralentissement assez conséquent.
Tout d'abord, on peut noter le fait que presque tous les personnages importants apparaissent dans le récit tout en faisant intervenir des inconnus. Ce choix permet bien évidemment d'indiquer la situation de chaque parti avant d'exposer le grand final, cependant l'effet secondaire est que l'histoire s'en trouve un peu plus hachée puisque certains protagonistes s'éloignent du centre d'intérêt général, même si leurs actions y ont une influence indirecte.
Dijkstra est un parfait exemple. Le maître espion se rend à Kovir en espérant convaincre le souverain Esterad d'accorder une aide financière à la Rédanie. Bien qu'il concerne l'aspect politique du roman, puisqu'il s'agit de la guerre où les royaumes du Nord et l'empire nilfgaardien s'affrontent, ce passage ne semble pas lié à la quête qui hante tous les esprits, à savoir retrouver Ciri. Pourtant, la jeune fille est tout de même intelligemment incluse et nous apprend même des informations sur les appartenances politiques du couple royal de Kovir.
Ainsi, ce tome dresse un véritable éventail des alliances de chacun, où l'auteur place petit à petit ses pièces sur l'échiquier et invitant le lecteur à s'imaginer quels personnages se feront face lorsque le feu aura touché la poudre.

Toutefois, pour ne pas perdre l'objectif de vue, Andrzej Sapkowski nous offre une sorte de leitmotiv avec l'histoire de Ciri. La jeune fille était plutôt en retrait depuis son intégration dans le groupe de bandits, mais son arrivée fracassante dans les marécages laisse entendre qu'elle se confronta à un grand danger.
Le récit de Ciri se présente donc sous la forme d'analepses, la jeune fille commence à parler à l'instant présent jusqu'à ce qu'une coupure nous fasse comprendre que la suite du texte est ce fameux souvenir que nous vivons au moment de sa réalisation. Cette décision est la bienvenue puisqu'elle évite d'avoir un trop fort recul par rapport à l'action, nous permettant ainsi de la saisir avec toutes les émotions qu'elle implique. Ces passages se concluent par un paragraphe débutant par :

Si ce jour-là, à la tombée de la nuit, quelqu’un était parvenu à se glisser subrepticement jusqu’à la cabane au toit de chaume pentu et couvert de mousse [...]


Cette phrase peut paraître redondante mais, à la manière d'un compositeur, l'auteur recadre ainsi son récit autour du thème principal de l'histoire, alors que le roman s'éparpille à cause du nombre de personnages dont il faut expliquer la position actuelle.
Par ailleurs, il est intéressant de noter que cette récurrence détonne avec le reste du livre. Ciri et Vysogota sont deux êtres solitaires, réunis dans cette cabane perdue au milieu d'un lieu inaccessible, tandis que les autres protagonistes sont souvent au milieu d'un groupe et dans des endroits plutôt fréquentés. Par ce leitmotiv, l'auteur nous rappelle que Ciri est une jeune fille qui cherche encore qui elle est véritablement et qui ne doit compter que sur elle-même.

La Tour de l'Hirondelle permet également d'étendre un peu plus l'univers avec des destinations qui n'étaient que brièvement évoquées. Les points de vue de Yennefer nous offrent notamment un voyage aux îles Skellige.
De manière générale, les lieux de la série s'inspirent de notre monde. Ainsi, les royaumes du Nord s'apparentent à l'Europe médiévale et peut-être plus particulièrement la Pologne, pays de l'auteur ; tandis que l'Empire de Nilfgaard serait plutôt l'Allemagne de cette Europe d'où peut être tiré la similarité de la particule de noblesse entre le "von" allemand et le "var" dans les romans ; quant aux îles Skellige, il s'agit sans nul doute de l'équivalent scandinave. Les habitants sont davantage des marins que des agriculteurs, écumant les mers sur des drakkars. De plus, leur religion s'apparente à la mythologie nordique, en témoigne cet extrait :

La légende dit que lorsque surviendra Tedd Deireadh, le temps de la Fin, le temps du Froid blanc et de la Tourmente sauvage, Heimdall affrontera les forces hostiles de la contrée de Morhögg, les fantômes, les démons et les spectres du Chaos. Il se tiendra sur l’Arc-en-Ciel et fera retentir le cor pour prévenir son peuple que le temps est venu de saisir les armes et de former les rangs. Alors commencera Ragh nar Roog, la Dernière Bataille, celle qui décidera si tombera la nuit ou pointera l’aube


On peut également noter le rêve de Yennefer qui représente Yggdrasil avec le faucon Vedrfölnir voletant au-dessus, l'écureuil Ratatosk dans ses branches, et le serpent Jörmungand à ses racines. La magicienne, quant à elle, revit l'expérience d'Odin à travers cette illusion, accédant ainsi à l'état d'esprit lui accordant son souhait.
Ces références culturelles enrichissent le roman, tout en inscrivant la saga dans notre propre réalité. Dans cet univers imaginaire, la magie et divers monstres apparurent suite à un événement appelé Conjonction des Sphères. Un portail s'ouvre entre deux mondes, échangeant ainsi ce qui les compose. Avec cet élément, les nombreuses références à notre réalité peuvent trouver une explication intéressante qui s'avère renforcée par Avallac'h sous-entendant que l'envahisseur humain apparut suite à cette Conjonction. Le discours de cet elfe est d'ailleurs aussi comique que dramatique, malgré la pointe d'arrogance venant de son sentiment de supériorité envers les Hommes, et offre une vraie réflexion sur la création et la destruction.

Concernant l'histoire de Ciri, le lecteur ne peut être que ravi de découvrir enfin ses aventures en détails, même si elles demeurent terribles pour une fille de son âge.
Passant par l'épreuve de la douleur et de l'humiliation, frôlant la mort, s'engageant dans la dureté de l'hiver qui se fait précoce, Ciri entrevoit la lumière au bout du tunnel. Ce tome étant une sorte de renaissance pour elle. Terrassant ses opposants, elle devient cette hirondelle annonciatrice de printemps en découvrant une nouvelle parcelle de son pouvoir. Un joli symbole puisqu'elle était traitée comme un chien par le chasseur de primes Bonhart, un de ses poursuivants. Tous ces éléments permettent d'ailleurs de poser des questions sur la nature humaine et sa cruauté.

Finalement, La Tour de l'Hirondelle est un tome qui divisera certainement les lecteurs. Le ralentissement du rythme peut être un frein et il est une fois de plus regrettable de ne pas trouver de carte du monde alors que l'auteur étend davantage son univers. Néanmoins, Andrzej Sapkowski ne nous laisse pas esseulés puisqu'il nous dévoile enfin ce qu'il advient de personnages que nous avions vu en mauvaise posture, comme Yennefer ou Ciri, et nous fait entrevoir l'immense tableau dans lequel se déroulera le dénouement final. 
Le Baptême du feu by Andrzej Sapkowski

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5.0

Le Baptême du Feu est le troisième tome de la saga du Sorceleur, écrite par Andrzej Sapkowski. Suite aux événements de l'île de Thanedd, Geralt se remet de ses blessures dans la forêt de Brokilone, grâce aux bons soins des dryades. Malheureusement, son état le coupe du monde et l’empêche donc de connaître les dernières nouvelles. Cette mission est remplie par Milva, une jeune archère aidant régulièrement des commandos de scoia'taels.
Elle annonce à Geralt que Ciri fut enlevée et amenée en territoire nilfgaardien afin qu'elle épouse l'empereur Emhyr. Le sorceleur décide donc d'écourter son séjour, malgré ses douleurs encore présentes, dans le but de retrouver la jeune fille. Accompagné de son ami Jaskier, il est également rejoint par Milva. Petit à petit, le groupe s'agrandit et devient très diversifié, un bienfait pour Geralt qui apprend à vivre avec autrui.

Une fois de plus, l'auteur nous livre un récit captivant, en approfondissant des éléments parcourus auparavant. Si Le Temps du Mépris introduisait beaucoup de politique, Le Baptême du Feu se concentre sur la relation que peut avoir Geralt avec d'autres personnages.
En effet, le sorceleur est souvent décrit comme un loup solitaire, et son comportement laisse entendre qu'il se satisfait de cette situation, allant même jusqu'à la provoquer en étant désagréable envers autrui. Pourtant, de nombreux indices nous faisaient déjà comprendre que Geralt se fourvoyait avec cette pensée. On peut noter l'exemple de Yennefer remerciant Jaskier d'accompagner parfois le sorceleur, conversation présente dans Le Sang des Elfes. C'est également le cas dans ce volet, où Milva déclare que les loups chassent en meute, incitant Geralt à ne pas refuser l'aide de ses compagnons de fortune dans sa quête.
La force de ce roman est de nous montrer comment des individus aussi disparates peuvent se réunir sous une même bannière, partageant le même pain, en oubliant leurs différences et en utilisant leurs talents spécifiques pour aider le groupe entier. Outre la compagnie de Geralt, on peut aussi prendre pour exemple celle de Zoltan, où des nains ont recueilli des femmes et des enfants victimes des soldats, et cela, malgré leur méfiance envers les non-humains. Les deux groupes finissent d'ailleurs par se mêler, chacun faisant ainsi part de sa philosophie de la vie, avant de se séparer pour accomplir son objectif, et en ayant évolué moralement.
Le Baptême du Feu nous explique que chacun peut abriter un monstre au fond de soi, la guerre pouvant être l'élément déclencheur, en témoigne la scène du camp de réfugiés où une pauvre jeune fille était condamnée injustement au bûcher par un prêtre bien heureux de rassembler des moutons sous sa coupe, et des villageois bien trop contents d'avoir un bouc émissaire à leur malheur. Toutefois, le récit nous fait aussi réaliser que chacun possède également la clef pour rendre une période pénible en quelque chose de plus chaleureux. Cependant, comme le titre l'indique, se battre pour ses convictions peut devenir une épreuve, et plusieurs personnages devront donc accomplir une sorte de baptême ou le feu est capable de les purifier, mais également les brûler.

Outre les réflexions philosophiques, le roman nous offre des passages tout à fait délectables dans un tel univers.

Suite à la bataille de Thanedd, le Chapitre et le Conseil dirigeant les magiciens sont dissous. Néanmoins, parmi les survivants, un petit groupe de femmes cherche à instaurer un nouvel ordre destiné à affirmer la position de la magie dans le monde, tout en s'efforçant d'être apolitique. De plus, les instigatrices écartent volontairement les hommes de leur nouveau congrès, appelé loge, expliquant que ces derniers sont trop instables émotionnellement lorsqu'il s'agit d'une chose aussi sérieuse que la magie.
On peut donc y voir un véritable renversement des codes misogynes souvent présents en fantasy, et même dans la réalité, les femmes étant souvent considérées comme des êtres fragiles. Ainsi, en établissant une telle assemblée, Andrzej Sapkowski démontre l'absurdité du sexisme. Une pensée féministe qui se retrouve également dans d'autres scènes, notamment celle où il est question de l'avortement, la discussion énonçant clairement qu'un tel choix ne concerne que la femme et son droit.
Néanmoins, malgré de telles positions, la satire de l'auteur n'épargne personne. En effet, l'entreprise de la loge devient très amusante lorsque l'on remarque que les personnes convoquées sont presque toutes d'anciennes espionnes pour le compte de monarques. De même, leurs réunions laissent entrevoir que la volonté de pouvoir peut les mener dans les mêmes travers que les hommes. Bien que leur projet envers Ciri soit moins criminel que celui de Vilgefortz, il n'en demeure pas moins dégradant et au même plan que celui de l'empereur Emhyr, à savoir la marier à un bon parti afin que son enfant règne sur le monde.
Ainsi, Andrzej Sapkowski nous démontre que toute bonne cause peut devenir une route pavée vers l'enfer dès que des intérêts plus pervers entre en jeu, car il en va de cette possibilité de l'être humain, peu importe son sexe. Cependant, l'auteur ne tombe pas dans le pessimisme et offre une autre vision avec les deux protagonistes agissant tels des parents, Yennefer et Geralt. L'un comme l'autre, ils représentent des figures fortes, tout en apprenant à compter sur l'autre sexe et à le respecter, devenant les versions raisonnées de chaque partie, incarnant l'équilibre et l'environnement sain dont aurait besoin la jeune fille.

Si l'on poursuit dans les satires, le mythe du vampire se voit également gaussé et prend une allure tout à fait rafraîchissante. Le sang n'est plus de la nourriture essentielle à la survie, mais un moyen de s'alcooliser, la substance pouvant provoquer de terribles conséquences en cas d'ivresse. Le feu n'est plus un ennemi, la créature y étant insensible. Le vampire n'est pas un mort-vivant, mais plutôt une espèce bien plus évoluée que l'Homme, capable d'une incroyable régénération. Ainsi, il peut souffrir d'une décapitation et ne pas en mourir véritablement grâce à une hibernation lui permettant de rassembler ses membres. Toutefois, le vampire ne possède ni ombre, ni reflet, ce qui devient, finalement, les seuls points communs avec la vision que l'on se fait de cet être surnaturel.
Ces informations nous sont livrées de la bouche d'un vampire dit supérieur, impliquant donc que ses pouvoirs sont bien plus puissants, et lui offrent une résistance plus importante que d'autres. Cependant, là où ces détails prennent toute leur saveur, c'est lorsque la créature explique pourquoi son espèce est tant crainte, en analysant la source de chaque peur, ce qui finit par lui faire pointer du doigt l'hypocrisie de l'être humain.
Cette vision du vampire est dépeinte avec cynisme, et s'écarte volontairement des classiques de l'époque. Le Baptême du Feu est paru en 1996, soit vingt ans après Entretien avec un vampire d'Anne Rice, et presque cent ans après Draculade Bram Stoker. Andrzej Sapkowski choisit donc d'éviter la représentation bestiale, tout comme l'allure tourmentée et enclin à la luxure de ses prédécesseurs. Il nous offre, au contraire, un être certes invincible, parfois vulnérable à certains vices de l'Homme, mais toujours doté de rationalité et de sagesse due à son grand âge.

Néanmoins, quelques regrets se dégagent de ce tome. Le plus notable est qu'il est toujours dommage de devoir se séparer des personnages au fil des points de vue, chacun ayant un destin intéressant à suivre. Il est d'ailleurs amusant de lire le passage que l'auteur a dédié à un conteur. Ce dernier semble avoir rapporté les événements, que le lecteur a découvert au fil des pages, comme s'ils provenaient d'une épopée célèbre et passée. Son auditoire étant des enfants, il demande à ceux-ci quelle partie de l'histoire ils souhaitent connaître en premier, et devant leurs supplications de ne pas les laisser dans l'ignorance en choisissant un personnage, le conteur décrit en une ligne ce qui arrive à d'autres protagonistes. Un habile miroir de la relation entre l'auteur et le lecteur, ce dernier ressentant la même frustration que l'auditoire du conteur. L'autre regret se trouve dans la fin assez abrupte du roman, bien qu'elle possède une once d'ironie assez délectable.

Finalement, Le Baptême du Feu est une suite à la hauteur de la précédente, si ce n'est plus. En effet, l'auteur nous promène au cœur de son univers, pour nous exposer des réflexions pertinentes sur l'être humain et sa dualité. Que ce soit sa capacité à vivre en communauté et son désir de solitude, sa monstruosité et son altruisme, on découvre à quel point une guerre peut mener à l'exposition de l'un ou l'autre de ces aspects. Toutefois, plutôt que d'être pessimiste, Andrzej Sapkowski utilise son humour, parfois léger et parfois grinçant, pour aborder tous ces thèmes. 
Le Temps du mépris by Andrzej Sapkowski

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5.0

Le Temps du Mépris est le deuxième livre de la pentalogie du Sorceleur, écrite par Andrzej Sapkowski. Dans le tome précédent, Geralt s'était lancé à la poursuite de Rience, ce mercenaire commandité pour enlever Ciri, l'enfant surprise, alors que celle-ci était justement confiée aux soins de Yennefer, chargée de lui apprendre à contrôler son don.
Depuis, consciente du potentiel de la jeune fille, la magicienne décide de l'inscrire à l'école de magie d'Aretuza, dirigée par Margarita Laux-Antille. Apprenant que Geralt est non loin de leur point de chute, Ciri part le retrouver, événement qui attire l'attention de la Traque Sauvage, un groupe de Spectres annonciateur de guerre et réputé pour apparaître essentiellement en hiver. Après quelques péripéties et retrouvailles, Geralt accepte d'accompagner Yennefer à l'assemblée des sorciers se déroulant sur l'île de Thanedd, espérant y découvrir quel magicien s'intéresse à Ciri d'après ses dernières informations. Durant la nuit, ce banquet devient le théâtre d'une effroyable bataille qui sépare nos protagonistes.

Andrzej Sapkowski continue d'employer la même formule concernant la construction de ses romans. Le temps du mépris contient donc peu de chapitres, mais ces derniers sont assez longs et constitués de plusieurs sections utilisées pour changer de point de vue ou effectuer des ellipses. Un système qui sera présent tout au long de la saga et qui s'avère plutôt efficace puisqu'il permet de contrôler le rythme et les différents effets que souhaite insuffler l'auteur à l'histoire. Par exemple, une volonté de dramatisation peut être instaurée en laissant un personnage en fâcheuse posture avant de raconter la situation d'un autre.
Cela peut, bien entendu, provoquer une certaine frustration chez le lecteur, mais de cette façon, il apprend également des renseignements lui offrant une sorte d'omniscience que ne possèdent pas les personnages. On peut noter la découverte des associés Codringher et Fenn au sujet de Ciri qui fait comprendre au lecteur les intentions de l'empereur de Nilfgaard, mais dont les conséquences n'atteindront pas les oreilles de Geralt avant le troisième opus.
Néanmoins, bien que la formule soit similaire, l'histoire donne l'impression d'être une immense chaîne où chaque personnage serait un maillon. Ainsi, il est impossible d'entamer la série où l'on souhaite, car le récit n'a pas pour objectif de créer des aventures indépendantes comme pouvaient l'être les nouvelles, mais de construire une fresque de fantasy. Ce manque d'indépendance des romans n'est donc pas gênant puisqu'ils sont liés par une véritable continuité, toutefois, chaque volet possède une ligne directrice qui se trouve dans le titre. Le deuxième tome instaure ce qui est appelé "le temps du Mépris", c'est-à-dire une atmosphère de méfiance et de vengeance provoquée par la guerre, mais il s'agit également de ce qui est prophétisé si le Sang Ancien choisit le chaos.

Le Temps du Mépris continue d'aborder les thèmes déjà évoqués durant le tome précédent, allant jusqu'à les approfondir. En effet, la guerre tiraille le continent, les souverains du Nord essayant de se défendre contre l'empire de Nilfgaard. Un acte de paix semblait avoir été conclu par les magiciens, mais un vent de trahison souffle au sein de leur confédération. Certains demeurent fidèles au Nord, tandis que d'autres voient un avenir plus favorable en se joignant au Sud. Ainsi, en développant les conséquences qu'apportent les conflits, le récit s'attarde un peu plus sur l'aspect politique.
Bien entendu, l'auteur n'oublie pas de nous gratifier de scènes d'aventures. On peut noter, par exemple, le périple de Ciri dans une contrée désertique. La difficulté de se repérer dans un tel endroit, l'ingéniosité dont il faut faire preuve pour subvenir à ses besoins primitifs, la rencontre de créatures adaptées à cet environnement menant à une lutte de survie, les répercussions qu'une situation de ce genre peut avoir sur la force mentale, rien ne nous est épargné. Cependant, les événements se déroulant sur l'île de Thanedd sont le cœur du roman, à raison d'être contés sur deux chapitres entiers que l'on peut diviser en deux états : les faux-semblants et la crise.
Andrzej Sapkowski y réalise une véritable satire du monde politique. Les personnes capables de maîtriser la magie terminent tôt ou tard par être profondément impliquées dans les décisions gouvernementales, bien que certaines tentent de conserver toute neutralité. Par ailleurs, nous apprenons que ce monde possède son propre schéma de pouvoir. Cinq membres constituent le Chapitre, la haute sphère discutant de certaines affaires et donnant des ordres en conséquence. Ce groupe est aidé par cinq autres membres formant le Conseil, une sphère inférieure qui n'a pas le mot final, mais qui apporte tout de même une assistance. Cette assemblée réfléchit donc sur la conduite que les magiciens et magiciennes doivent adopter pour conseiller les dirigeants de chaque pays. Un système qui crée des tensions puisque les magiciens espionnent chaque parti afin de préserver ses intérêts.

Toutefois, afin que cet aspect ne soit pas trop ennuyeux pour le lecteur, l'humour est manié avec dextérité pour nous faire comprendre les ambitions de chaque parti, sans pour autant diminuer l'impact des paroles. L'auteur nous offre donc des scènes absolument désopilantes où chacun tente de déstabiliser l'autre, ou de lancer des répliques bien senties afin d'asseoir sa position. Un petit jeu qui appuie sur l'idée que le pouvoir est souvent une cour où règne l'hypocrisie. Il est très amusant de voir Geralt évoluer dans un tel milieu, comprenant petit à petit les ficelles. Il est, en quelque sorte, le regard du lecteur face à toutes ces manigances fondées sur les apparences. On remarque donc sa gêne d'être à une soirée comme celle-ci, où il ne semble pas avoir sa place, puis ses tentatives de conversations, pour enfin rire de ses badineries parfois cocasses, parfois acerbes.
Cependant, Andrzej Sapkowski n'oublie pas de reprendre un ton plus sérieux lorsque les enjeux s'avèrent plus sombres, ce qui arrive inévitablement puisque ce jeu d'espionnage se conclut de manière assez tragique, sans compter le fait qu'un personnage désire enlever Ciri. Le récit ne laisse donc pas les amateurs de combat en reste, transformant l'assemblée en un bain de sang assez monumental, provoquant un chaos nécessaire au développement de l'intrigue et du personnage de Ciri. Un tel désordre met en perspective les enjeux présents dans la saga, tout en proposant une raison logique à la séparation des protagonistes, les amenant à effectuer un parcours différent, mais tout autant instructif.

Néanmoins, il est important de signaler que le chapitre final peut être perturbant, voire choquant pour certaines personnes. En effet, suite à plusieurs circonstances, Ciri se retrouve, malgré elle, au sein d'une compagnie de brigands. La jeune fille subit alors un début d'agression sexuelle de la part d'un des hommes du groupe, avant d'être sauvée par l'une des femmes. Pourtant, celle-ci continue l'entreprise de son camarade, transformant son acte de bonté en un agissement intéressé. La réaction de Ciri est différente selon les personnages, elle tente de repousser l'homme, tandis qu'elle se résigne à accepter le même traitement lorsqu'il s'agit de la femme.
Les raisons d'un tel comportement sont complexes et passées sous silence, mais l'on peut tout de même constater quelques pistes. Tout d'abord, Ciri possède une expérience assez traumatisante avec plusieurs hommes. On peut noter le cauchemar du soldat nilfgaardien qui hante ses nuits et dont on ne connaît pas véritablement les intentions, mais également la peur engendrée par les paroles de plusieurs ravisseurs. Une expérience qui ne se présenta pas au contact des femmes. Par ailleurs, Mistle, la demoiselle responsable des attouchements fait preuve de tendresse, chose que recherche désespérément Ciri à ce stade. Ainsi, la jeune fille semble développer une sorte de syndrome de Stockholm, mais tout en prenant conscience de l'horreur qui s'est déroulée, en témoigne la scène où elle se lave frénétiquement pour tenter d'effacer ce qu'elle a subi.
Ces éléments s'avèrent intéressants concernant l'évolution du personnage, puisqu'ils mettent en parallèle la relation familiale de Ciri avec Geralt et Yennefer, ainsi que sa nouvelle vie d'adoption au milieu des brigands avec Mistle. On constate les ravages que peut avoir la guerre sur le psychisme, forgeant des êtres rejetés de tous et rejetant toute bienfaisance tant leurs cicatrices sont profondes. Cependant, ce dernier chapitre demeure difficile pour quiconque ayant vécu une situation plus ou moins similaire, il est donc essentiel d'être averti de l'existence d'un tel passage.

Finalement, Le Temps du Mépris est une suite tout à fait à la hauteur du tome précédent. L'histoire s'étoffe de plus en plus grâce à l'intégration d'éléments essentiels à la concrétisation de l'univers, comme l'aspect politique. De plus, Andrzej Sapkowski parvient à divertir le lecteur grâce à des touches d'humour, sans pour autant oublier lorsque le récit doit se vêtir d'un ton dramatique. Ainsi, les pièces du puzzle se rassemblent petit à petit, nous faisant comprendre que Ciri est définitivement le personnage clef. 
Le Sang des elfes by Andrzej Sapkowski

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5.0

Premier roman de la saga du sorceleur, Le Sang des Elfes est la suite directe de la nouvelle Quelque chose en plus, dernier récit du recueil L'Épée de la Providence.

Geralt de Riv a recueilli Ciri, fille de Pavetta et Dunny, petite-fille de la reine Calanthe, et surnommée le Lionceau de Cintra. Le sorceleur a emmené l'enfant à Kaer Morhen, lieu retiré où se situe l'école du Loup. Là-bas, il lui apprend les rudiments du métier de sorceleur, sans lui faire subir les épreuves génétiques.
Rapidement, Ciri montre qu'elle a hérité du don magique de sa mère, et ne sachant comment l'aider proprement, Geralt fait appel à une ancienne amie, Triss Merigold, magicienne de son état. Celle-ci comprend que malgré ses enseignements, l'enfant, devenue une jeune adolescente, doit être encadrée par une personne plus puissante.
Ainsi, Geralt, Triss et Ciri se lancent sur les routes afin de rejoindre le temple de Melitele que dirige Nenneke, où la jeune fille y réalisera son éducation magique grâce à Yennefer. Cependant, le voyage s'avère semé d'embûches, et Geralt analyse aisément la situation, notamment grâce aux renseignements de Jaskier : quelqu'un cherche à retrouver Ciri.

Le Sang des Elfes est divisé en plusieurs chapitres assez longs, eux-mêmes séparés en plusieurs sections. Ces dernières permettent de changer de point de vue, mais également d'effectuer des ellipses.
Avec un tel découpage, Andrzej Sapkowski permet d'offrir du suspense, tout en maintenant un rythme soutenu. Ainsi, le roman ne s'encombre pas d'éléments inutiles. Par exemple, lorsque Geralt s'engage sur un chaland afin de veiller à la sécurité de sa traversée, le lecteur n'apprend que par quelques lettres ou conversation pourquoi et comment le sorceleur en est venu à cette activité, ce qui s'avère tout à fait suffisant puisque nous n'avons pas besoin de voir toutes ses pérégrinations.
Par ailleurs, les changements de points de vue sont justement présents pour éviter l'apparition de scènes peu attrayantes alors que le lecteur est conscient que des actions importantes se déroulent autre part. Geralt est un point central de l'histoire, mais il partage cette place avec Ciri, les deux personnages étant les deux facettes d'une même pièce, ou comme l'expliquait Eithné "L’Épée de la providence possède deux tranchants". Ainsi, il est normal que les deux protagonistes laissent chacun leur place à l'autre lorsqu'ils sont séparés. Cependant, l'auteur n'oublie pas qu'ils sont les pièces d'un immense échiquier, ce qui implique qu'ils évoluent dans un monde peuplé d'autres figures qui peuvent avoir leur importance, d'où les différents points de vue.
Andrzej Sapkowki sait donc tenir son lecteur en haleine, tout en disséminant des informations sur son univers, sur les conséquences des faits que l'on observe, et sur certains personnages qui possèdent encore bien des secrets.

Bien que la trame soit assez simple, à savoir une jeune fille qui fuit une menace présentée sous la forme de mercenaires, le roman parvient à se distinguer en proposant des péripéties intéressantes et réalistes.
Le monde du sorceleur a essuyé plusieurs guerres. Nilfgaard, la nation venant du sud, a conquis plusieurs territoires du nord afin de constituer un gigantesque empire, avec un certain Emhyr var Emreis à sa tête. Parmi les régions fortement affectées, il y a bien entendu Cintra, où le mot massacre est plus approprié que bataille. Les royaumes du nord se sont donc réunis afin d'empêcher l'empire Nilgaardien d'avancer davantage, ainsi, les diverses puissances sont englouties dans une sorte de guerre froide où le moindre faux pas peut coûter cher. Cependant, bien qu'ayant été vaincus, les habitants de Cintra demeurent un peuple fier qui ne reconnaît pas Emhyr comme leur souverain. Ce lieu devient donc un pivot politique important, car quiconque parviendrait à soumettre Cintra, pourrait renverser la situation, étant donné son emplacement géographique.
Dans un tel contexte, les personnages de hauts rangs cherchent donc des solutions pour gagner du terrain sans avoir à verser trop de sang, tandis que les petites gens luttent contre la famine et la misère. Il n'est donc pas étonnant de voir des convois illégaux pulluler, débouchant sur des conflits de territoire, tout comme le fait qu'une simple chanson d'un barde au sujet du Lionceau de Cintra puisse ranimer la flamme de l'espoir, mais aussi attirer les ennuis, et tout cela est décrit avec intelligence et cohérence. On peut comprendre le raisonnement de chaque personnage pour sa survie, les différents enjeux politiques, et les conséquences intrinsèques, à savoir les conflits avec les Elfes et les Dryades. L'univers du sorceleur est un monde qui a donc sa part de souffrance, mais son traitement est suffisamment crédible pour que le lecteur se sente concerné par les problèmes qu'il découvre.

Néanmoins, l'auteur n'en oublie pas de nous divertir. Les événements sont sombres, certes, mais les personnages doivent apprendre à vivre avec, sans se laisser décourager. Ainsi, il n'est pas rare de voir des situations comiques ou simplement des traits d'esprit, montrant que la vie suit son cours malgré les horreurs de la guerre.
Le moment où Geralt effectue une traversée sur un chaland pour assurer sa protection en est un parfait exemple. Bien que le sorceleur se soit engagé dans un but bien précis, menant à des combats violents, il profite tout de même de la conversation des passagers qui s'avèrent hauts en couleur. Entre l'universitaire croyant posséder une érudition supérieure à Geralt, l'enfant turbulent dont la mère est totalement dépassée, le capitaine au langage parfois peu recommandable, en passant par le nain essayant de diminuer sa taxe de transport en jouant sur la crédulité des douaniers, le lecteur se voit régulièrement sourire de la situation tant les personnages sont criant de réalisme, car on a tous rencontré au moins une fois une personne de ce type.
Hormis l'humour, Andrzej Sapkowski transmet également des instants de complicité et d'intimité qui sont tout bonnement attendrissants. Les leçons entre Ciri et Yennefer en sont la représentation typique. Débutant par des rapports houleux, les deux personnages s'apprivoisent pour finalement partager une relation presque fusionnelle. Leurs points communs sont, par ailleurs, significatifs : pratiquant la magie, ayant un caractère pouvant jongler entre la douceur et l'espièglerie, possédant un lien étroit avec Geralt, etc. De plus, connaissant l’impossibilité de Yennefer à enfanter, on ressent que sa connexion avec Ciri peut aller jusqu'à un lien maternel. Ces moments sont très plaisants à suivre tant ils démontrent que la vie est également constituée de choses agréables.

Finalement, Le Sang des Elfes est un roman qui développe davantage l'univers présenté dans les recueils. On y découvre plus en détails le contexte politique, tous comme les différents enjeux concernant Ciri. L'histoire et ses personnages savent captiver le lecteur, néanmoins, on peut déceler deux bémols.
Le premier étant l'absence de carte qui permettrait de mieux visualiser la géographie du monde, même si les descriptions indiquent les éléments essentiels. Le deuxième étant l'absence des questions philosophiques sur l'humanité et la monstruosité qui faisaient la force des recueils, bien que l'on puisse constater l'aspect monstrueux de la guerre. 
Le dernier vœu by Andrzej Sapkowski

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5.0

Le Dernier Vœu est un recueil de nouvelles d'Andrzej Sapkowski, paru en 1993. Sept ans plus tôt, suite à un concours, l'auteur publia un de ces récits du recueil dans le magazine polonais Fantastyka. Trois autres nouvelles parurent également dans ce magazine, puis, en 1990, les quatre écrits furent publiés dans un volume intitulé Wiedźmin. Deux ans plus tard, Andrzej Sapkowski fit paraître un autre recueil, L'Épée de la Providence, et ce n'est qu'en 1993 que l'auteur compléta son premier ouvrage avec trois autres nouvelles, ce qui forgea Le Dernier Vœu.
Avec un tel parcours d'écriture, on serait tenté de penser que la période de sept ans entre les deux groupes de nouvelles se ressentirait dans l'ouvrage, d'autant plus que les récits du recueil publié entre-temps se déroulent ultérieurement. Cependant, comme nous allons le voir, ni la cohérence, ni le style, ne pâtissent de ce choix d'écriture.

Concernant l'histoire, nous suivons Geralt de Riv, sorceleur de son état, c'est-à-dire un tueur de monstres. Homme auquel on a fait subir des expériences génétiques pour lui conférer des capacités surhumaines, il est ainsi devenu un mutant qu'il est bon d'éviter pour la plupart des personnages qui peuplent cet univers de fantasy. Surnommé « Loup Blanc » (« Gwynbleidd » en langue ancienne), suite à la décoloration de ses cheveux, apparue durant sa transformation, et à son appartenance à une école spécifique de sorceleur, Geralt parcourt le monde afin d'exterminer les goules, vampires, loups-garous, noyeurs, et autres créatures nuisibles envers les humains, contre rétribution. Ayant vécu de nombreuses péripéties, il porte un regard cynique et désabusé sur ce qui l'entoure, essayant d'appliquer la notion du moindre mal lorsqu'il s'agit de faire un choix éthique.

Comme indiqué dans l'introduction, Le Dernier Vœu est composé de sept nouvelles, à savoir La voix de la raison, Le Sorceleur, Un grain de vérité, Le moindre mal, Une question de prix, Le bout du monde, et enfin, la nouvelle éponyme. Toutefois, bien que chaque récit raconte un événement de la vie de Geralt, la construction du recueil ne suit pas un ordre chronologique, utilisant l'analepse de façon intelligente.
En effet, le moment présent nous est narré via la nouvelle La voix de la raison. Le protagoniste séjourne dans un temple vénérant la déesse Melitele, régit par la prêtresse Nenneke. Il y soigne ses blessures, et discute avec la dirigeante, tout comme avec Iola, une jeune fille récemment intégrée au culte. Par le biais de ces discussions, le souvenir d'une mission est évoqué, ce qui mène à sa découverte. Ainsi, La voix de la raison est entrecoupée de nouvelles qui sont présentées comme des périodes plus ou moins antérieures à leur évocation. Par exemple, Le Sorceleur détaille les raisons de la blessure qui a mené Geralt à se rendre au temple, tandis que les autres se déroulent bien avant, même si aucune date précise n'est indiquée.
Cette construction apporte donc un véritable dynamisme que n'aurait pas eu un recueil écrit de façon linéaire. De plus, la nouvelle sectionnée permet à l'auteur d'exposer différent style de narration. Nous suivons en premier lieu un segment entièrement constitué d'une description, pour découvrir d'autres parties plus classiques alternant récits descriptifs et dialogues, tout en passant par un monologue. Ce dernier est, par ailleurs, amorcé de manière très intelligente puisque Geralt se trouve dans le besoin de parler, sans attendre une quelconque réponse, ce qui l'amène donc à se confier auprès de Iola qui a fait vœu de silence.

Les autres nouvelles suivent un schéma un peu plus classique puisque chaque histoire peut se résumer à cette ligne directrice : Geralt se rend à un endroit, les circonstances font qu'il rencontre un "monstre", le sorceleur décide ce qu'il est bon de faire et agit en conséquence. Bien entendu, certains éléments peuvent être légèrement modifiés, puisque Geralt ne voyage pas toujours au hasard des pas de sa jument, mais peut être appelé par quelqu'un pour effectuer un contrat. Par ailleurs, le mot "monstre" est véritablement à entendre comme une information non-absolue, car la frontière entre une telle créature et un être humain s'avère de plus en plus floue.

Cependant, malgré ces similarités, Andrzej Sapkowski parvient à captiver le lecteur d'un bout à l'autre grâce à la richesse de son univers, où chaque chose semble pensée avec soin, pour que le résultat soit cohérent.
D'une part, les ennemis rencontrés sont différents. Bien que certains aient des points communs, ils n'en demeurent pas moins variés de façon à offrir une histoire et un dénouement singulier, si bien que le lecteur n'a jamais l’impression de revivre les mêmes instants.
D'autre part, le personnage du sorceleur offre une originalité tout à fait rafraîchissante dans le monde de la fantasy. Geralt a beau être un mutant avec des réflexes plus élevés que ceux d'un humain ordinaire, il ne devient pas invincible. Ainsi, il prépare chacune de ses batailles, lorsqu'il en a la possibilité. Pour ce faire, il utilise des élixirs qui lui confèrent de nouvelles capacités : certains le rendent nyctalope, d'autres lui permettent de contrôler le travail des organes de son corps, etc. Toutefois, ces potions sont toxiques, quiconque tenterait d'en ingérer périrait, et seules les épreuves qu'a subi le sorceleur durant sa formation, l'empêchent de succomber. Néanmoins, Geralt doit veiller à ne pas dépasser les doses, car même son métabolisme possède des limites.
Hormis ses deux épées, le sorceleur utilise une autre arme, la magie. Elle est invoquée via cinq signes : Aard permet d'utiliser une force psychokinétique, pouvant propulser de l'énergie vers une direction voulue ; Igni donne le pouvoir d'enflammer ; Yrden est un piège magique servant aussi à sceller des ouvertures ; Quen instaure une barrière de protection ; Axia influence les esprits dans le but de les calmer. Cependant, ces signes ne sont pas des éléments sur lesquels Geralt peut se reposer pour obtenir la victoire. La magie est une chose suffisamment complexe pour qu'une personne décidée à la maîtriser doive y consacrer sa vie. Il est expliqué que les magiciennes sont condamnées à des années d'études et de tortures par mutations, tandis que les sorceleurs sont des autodidactes, d'où la différence de puissance. Ainsi, Geralt possède des outils qui peuvent faciliter son travail, sans pour autant retirer le danger ou les possibles complications.

L'autre force du recueil se trouve dans la parodie de contes. En effet, Andrzej Sapkowski fait évoluer ses personnages dans un univers sombre et peu enclin aux fins heureuses, ainsi, il s'amuse à détourner les contes les plus connus comme s'il nous apportait la véritable version de ces histoires.
Un grain de vérité reprend l'enjeu de La Belle et la Bête. Un homme se trouva atteint d'une malédiction après avoir profané un temple. Transformé en monstre, il se renferma dans son château dépeuplé de tout domestique, jusqu'au jour où un marchand s'affaira à découper des roses bleues sur le domaine. Le maudit s'apprêtait à lui faire payer cet outrage quand le marchand le supplia en indiquant que c'était pour offrir un cadeau à sa fille. Alors, le monstre se souvint de vieilles histoires parlant d'amour capable de lever n'importe quelle malédiction, et espéra donc y trouver une parcelle de vérité en demandant au marchand de lui donner sa fille en échange de la rose. De fil en aiguille, le maudit se retrouva à inviter des jeunes filles à passer une année auprès de lui, d'abord pour essayer de lever le sortilège, puis par goût de la compagnie.
Le moindre mal parodie Blanche-Neige et les sept nains. Le récit évoque l'histoire d'une malédiction frappant les enfants nés durant une éclipse, et parmi eux se trouve une jeune fille, Renfri, surnommée la Pie-grièche. Soupçonnée d'être une dangereuse mutante, elle fut rejetée par sa belle-mère qui l'envoya dans les bois avec un sbire ayant pour mission d'assassiner la jeune fille. L'homme fut retrouvé mort, sans pantalon, tandis que Renfri se construisit une réputation de voleuse aux châtiments barbares, voyageant en compagnie de sept gnomes. Les années s'écoulant, la jeune fille nourrit, un profond sentiment de vengeance.
La nouvelle Une question de prix s'avère moins catégorique sur les contes détournés, car l'auteur y pose les fondations de ses futurs livres. Cependant, on peut aisément reconnaître un moment clef de Cendrillon et de Rumplestiltskin, connu également en français sous le titre de Nain Tracassin. En effet, le personnage Hérisson d’Erlenwald est un homme condamné à vivre sous l'apparence d'un monstre de l'aube jusqu'aux douze coups de minuit, tandis que Geralt fait appel au droit de surprise en guise de récompense, ce qui implique de recevoir un enfant, étant ici un premier-né.
Les autres nouvelles possèdent des références un peu plus légères ou obscures. Ainsi, Le dernier vœu s'inspire des Mille et une nuits avec le génie pouvant accorder trois vœux ; Le Sorceleur ne reprend pas véritablement un conte, mais plutôt le mythe du vampire, bien que l'on puisse y voir quelques traces de La Belle au bois dormant avec une enfant maudite portant le nom de sa mère, ce dernier point étant une invention du ballet de Tchaïkovski ; et Le bout du monde ne semble pas reprendre de conte précis, bien que la présence du sylvain rappelle le personnage du diablotin ou du diable lui-même, compte-tenu de son apparence.

De plus, ce renversement des contes classique permet d'aborder des thèmes intéressants et qui seront emblématique de la série.
Le premier est bien entendu ce qui définit un monstre. Geralt fait déjà un commentaire à ce sujet en exposant son premier combat en quittant son école de sorceleur, mais ce sujet est présent tout au long du recueil. L'apparence est-elle le seul terme pouvant expliquer ce qu'est un monstre ? Quelles actions permettent de franchir la frontière entre un être humain et un monstre ?
Le deuxième thème est celui du moindre mal. Très lié au premier sujet, il pose également la question de la neutralité des sorceleurs. Geralt évoque souvent cet état, mais il ne peut toujours s'y réfugier et doit effectuer un choix. Intervient donc ici la question, non pas de ce qui semble juste, mais de ce qui paraît être le moins ignoble.
Le troisième thème est le problème du racisme. Les êtres considérés comme non-humains sont les êtres humanoïdes mais différents des Hommes comme les elfes ou les nains. Malheureusement, nombreux d'entre eux furent chassés de leurs terres par les Hommes, ces derniers n'offrant pas toujours la possibilité d'une cohabitation et creusant le fossé entre les deux civilisations. Une des nouvelles exprime bien ce sentiment d'oppression que subissent les non-humains, et les événements font véritablement écho au passé de l'Humanité.
Ce trio insuffle donc une certaine mélancolie au monde dans lequel évolue le sorceleur, tout en expliquant son caractère taciturne. On comprend aisément qu'il est difficile, voire inutile, de jouer les chevaliers blancs quand les mentalités sont gangrenées jusqu'à la moelle.

Enfin, concernant le style d'écriture, Andrzej Sapkowski sait plutôt bien doser sa plume. Les descriptions permettent de situer le décor, l'action est fluide, et les dialogues sont délectables. Cependant, on peut regretter l'absence de certains détails propres à l'univers, comme les gestes que doit faire Geralt lors de leur utilisation, ou bien l'apparence de certains monstres. Toutefois, puisqu'il s'agit d'un recueil de nouvelles et que l'histoire comprend d'autres livres, ces informations peuvent être éludées pour être développées plus tard.

Finalement, Le Dernier Vœu est un recueil très agréable à lire. À travers un voyage en compagnie de Geralt, le lecteur s'interroge, tout comme le protagoniste, sur les travers de l'humanité et de son destin. Cependant, loin d'être rébarbatif, cette œuvre propose une palette de personnages attrayants et nuancés, préférant s'éloigner des récits classiques et laissant en bouche une envie d'en découvrir davantage sur ce monde. 
L'épée de la providence by Andrzej Sapkowski

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5.0

Comme expliqué lors de l'introduction de ma critique sur Le Dernier Vœu, L'Épée de la Providence parut avant que le premier recueil ne soit entièrement constitué. Ainsi, les personnes ayant lu L'Épée de la Providence avant Le Dernier Vœu eurent certainement quelques surprises, notamment celle de découvrir un lien très intense entre Geralt et la magicienne Yennefer, qui ne rencontra le sorceleur que durant la nouvelle éponyme du premier recueil. Cependant, les récits de L'Épée de la Providence furent tout de même écrits de façon à ce qu'aucune information ne soit un obstacle. En effet, les détails concernant la rencontre avec Yennefer sont plutôt dérisoires, contrairement à d'autres éléments qui auraient été bien plus gênants de découvrir plus tard.
Le recueil contient les nouvelles Les limites du possible, Éclat de glace, Le Feu éternel, Une once d’abnégation, L’Épée de la providence, et Quelque chose en plus. D'un point de vue chronologique, elles se déroulent après celles du Dernier Vœu, et seule Le Feu éternel peut, en quelque sorte, se lire de manière indépendante. En effet, certaines comme Les limites du possible, Éclat de glace, et Une once d’abnégation évoquent plus ou moins le lien entre Geralt et Yennefer, tandis que L’Épée de la providence s'étend sur les conséquences de la nouvelle Une question de prix. Quant à Quelque chose en plus, elle aborde les deux sujets.

Le recueil, bien que possédant des nouvelles se présentant sous la forme de quêtes indépendantes, permet de s’immiscer davantage dans l'univers. On y découvre de nouvelles créatures, de nouveaux peuples et, par la même occasion, de nouveaux personnages, mais également de nouveaux enjeux comme les tensions politiques débouchant sur des guerres. Tous ces éléments permettent de dresser petit à petit un tableau, qui servira de fondation à la série de romans se déroulant dans le même monde imaginaire. Ainsi, Andrzej Sapkowski continue de construire la destinée de Geralt, bâtie sur son invocation du droit de surprise lors de la nouvelle Une question de prix, et prendra donc toute son importance dans les prochains récits.

Néanmoins, outre ces événements aménageant la suite, ce recueil comporte deux thèmes aux portées philosophiques, et qui s'avèrent emblématiques de la saga, puisqu'ils cristallisent les pensées du sorceleur.

En effet, plusieurs nouvelles s'attardent sur la condition de Geralt, à savoir, un mutant. Ayant subi diverses épreuves destinant à augmenter ses capacités, la rumeur prétend que les sorceleurs en ressortent dénués de toute émotion.
Ce thème est extrêmement présent dans la nouvelle Éclat de glace, où Yennefer est tiraillée entre deux hommes, car avant de rencontrer Geralt, la magicienne vivait une romance avec un Istredd, possédant la même fonction qu'elle. Ce dernier est tout à fait en mesure de lui apporter ce qu'elle désire, et son amour n'est plus à prouver, cependant, le sorceleur n'est pas un être qui lui est indifférent, mais un problème de taille se présente. Geralt n'assume plus ses émotions. Conforté dans l'idée qu'un sorceleur est devenu un pantin n'ayant que de lointaines réminiscences de ce que sont les sentiments, Geralt se renferme au point de croire véritablement à cet état de fait.
Ce phénomène se produit également durant Une once d’abnégation, lorsque la poétesse Essi Daven, dit Petit-Œil, succombe à son charme. À cet instant, Geralt est partagé entre ce qu'il ressent envers Yennefer et cette impression de ne pas être capable d'aimer véritablement quelqu'un, craignant que ses gestes ne soit que des calculs prémédités.
Ainsi, le sorceleur s'interroge énormément sur sa condition et sur le comportement qu'il doit adopter. Son questionnement le mène à rechercher la compagnie, notamment celle du très loquace Jaskier, afin que la solitude ne le ronge pas de son poids. C'est également cela qui le pousse à faire appel au fameux droit de surprise, consistant à prendre l'enfant qu'un père ne s'attend pas à trouver en entrant chez lui, ne sachant pas sa femme enceinte. En accueillant un enfant pour l'éduquer au métier de sorceleur, Geralt cherche à combler ce vide qui s'est insinué en lui, pourtant, condamner une personne à cette condition, qu'il ne connaît que trop bien, l'empêche de réclamer son dû.
Malgré cela, le lecteur comprend parfaitement que le sorceleur se ment à lui-même, car le protagoniste semble faire preuve d'émotions à plusieurs reprises, mais se contente de les fuir, comme sa destinée, trop effrayé par ce que cela pourrait représenter. Toute cette contradiction de Geralt se ressent énormément dans le dernier récit, Quelque chose en plus, puisque le sorceleur affronte plusieurs de ses souvenirs, pendant des délires liés à l'absorption de substances l'aidant à guérir des blessures d'un combat.

Toutefois, c'est grâce à son désaccord intérieur que Geralt applique un code qui lui est propre. Bien que sa tâche soit d'éliminer des monstres contre rétribution, il se refuse d'être la main qui abaissera le couperet en fonction de la situation.
De cette façon, Geralt affirme ne pas vouloir tuer de dragons dans la nouvelle Les limites du possible. Il n'expose pas ses raisons, mais le lecteur les comprend implicitement avant de les voir confirmées par Jaskier. De même, durant Le Feu éternel, le sorceleur ne cherche pas à éliminer le doppler, l'arrêtant et le questionnant uniquement parce que cet être apporta des ennuis à une connaissance de Jaskier. On peut également le voir discuter avec une sirène pendant le récit Une once d’abnégation, tout comme il comprend et respecte la rage que possèdent les dryades dans L’Épée de la providence, leur existence étant menacée par les humains.
Tous ces éléments exposent le questionnement de la place de l'humanité dans ce monde, et de son droit à gérer la vie des autres espèces. Bien que certaines créatures soient chassées pour les avantages qu'elles peuvent apporter, comme la richesse pour les dragons, l'entêtement dont font preuve les humains envers ces êtres est mû par la peur. Un dragon possède une taille impressionnante et ses attributs représentent un danger ; Un doppler peut se changer en quelqu'un d'autre au point qu'il est quasiment impossible de savoir si la personne en face de soi est un imposteur ou non ; Une dryade est une créature capable de tuer des hommes pourtant entraînés ; Et toutes ces espèces sont suffisamment différentes pour susciter la peur auprès d'un humain.
Ainsi, ne pouvant accepter ces créatures, la réponse à cette potentielle menace est la violence. L'humanité est parfaitement consciente de son impuissance face à d'autres espèces, la preuve la plus radicale étant le combat avec les êtres marins dans la nouvelle Une once d’abnégation, où Geralt conclue admirablement que l'Homme appartiennent à la terre, et non à la mer. Pourtant, bien que ces espèces soient dangereuses, on comprend aisément que la menace ne provient pas toujours du côté que l'on penserait. L'humanité se montre destructrice, privant par exemple les dryades de leur habitat naturel, ou, dans registre assez proche, repoussant les elfes après avoir colonisé leurs terres. De ce fait, observer un sorceleur, se proclamant dénué de toute émotion, épargner des créatures selon un code moral qu'il a lui-même créé, est une véritable leçon.

Finalement, L’Épée de la Providence est un recueil dans la lignée du précédent. C'est donc avec son style d'écriture frappant là où il faut que le romancier nous incite à la réflexion. On pourrait reprocher l'aspect un peu flou de la dernière nouvelle, la frontière entre la réalité et les hallucinations de Geralt étant parfois difficile à déterminer, mais ce défaut s'explique aisément dans le contexte du récit.
Tout en nous guidant davantage au cœur de son univers, Andrzej Sapkowski nous offre de justes moments philosophiques sur la différence, le droit d'existence, mais également sur ce qu'est véritablement être humain, cette condition n'étant pas une question de génétique. Ainsi, par ses sujets et les réactions des personnages, L’Épée de la providence demeure très ancré dans notre réalité. 
It by Stephen King

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3.0

It a la réputation d'être LE grand classique de Stephen King qu'il faut avoir lu au moins une fois si l'on apprécie cet auteur.

On y retrouve effectivement la patte de l'écrivain comme les monstres cachés dans l'être humain, la construction de l'univers de l'histoire, ou encore le surnaturel. À cela s'ajoutent les thèmes de l'enfance et du passage à l'âge adulte, la mémoire, l'amitié... Et tout semble une recette idéale pour un excellent livre.
En effet, certains passages fonctionnent merveilleusement bien en nous plongeant véritablement dans l'horreur dont est capable l'humanité. On en ressort avec un profond sentiment de malaise, amplifié par le fait que la ville entière détourne le regard de ces atrocités.

Néanmoins, le roman souffre de sa longueur, son propos finissant par s'alourdir. Si bien, qu'une fois que l'on voit le dernier acte approcher, on ne peut s'empêcher d'être soulagé d'en finir. Paradoxalement, certains éléments se résolvent un peu trop facilement et rapidement. Résultat, ce rythme bancal donne l'impression d'une histoire mal maîtrisée.
On peut tout de même noter l'idée d'alterner entre le passé et le présent qui, au même titre qu'alterner les points de vue, permet de jouer sur le suspense pour rendre l'expérience plus captivante.